À la fois concernées par le développement durable et la hausse des prix de l’énergie, les collectivités revoient leur mode de fonctionnement. Pour atteindre les 10% de réduction énergétique fixés par le gouvernement d’ici 2024, ces dernières vont devoir redoubler d’efforts. Pour cela, nombreuses sont les communes à s’équiper de solutions numériques afin d’optimiser leur consommation énergétique.
À l’instar des particuliers et des entreprises, les collectivités souffrent de la hausse des prix de l’énergie. Certaines d’entre elles ont vu leur facture doubler, voire tripler cette année. Quant aux prévisions pour l’avenir, elles ne sont guère plus enthousiasmantes : il nous faut trouver de nouvelles façons de produire de l’énergie et réduire notre consommation pour éviter une flambée des prix.
Face à cette situation, les communes s’engagent pour la sobriété : une stratégie visant à réduire l’utilisation de ressources par des changements de comportement, et donc à alléger la facture énergétique. Quelle que soit leur taille ou leur orientation politique, l’ensemble des territoires s’accordent pour presser le pas de la sobriété.
Par ailleurs, le contexte environnemental rappelle lui aussi notre dépendance à ces ressources, et les émissions de CO2 qu’elles génèrent. Là aussi, les choses doivent changer ! Près de 9 Français sur 10 jugent que les collectivités ont un rôle important à jouer dans la transition écologique. En remettant en question leurs besoins, les communes répondent également aux attentes de leurs administrés.
Du point de vue financier, écologique ou politique, ces dernières ont tout à gagner en repensant leur organisation. Pour débuter ou approfondir cette transition, les territoires peuvent s’appuyer sur les usages numériques, délivrés par la fibre optique.
La France fait partie des pays les plus fibrés d’Europe. Un avantage que nous devons au plan France Très Haut Débit, lancé par le gouvernement en 2013. Aujourd’hui, le déploiement est bien avancé avec près de 72% des locaux éligibles à la fibre (chiffres ARCEP mars 2022). Les disparités s’effacent au profit d’un territoire de plus en plus homogène, en ville comme en ruralité.
Cette infrastructure, déjà disponible dans de nombreuses communes, est une opportunité pour réaliser des économies énergétiques. En effet, le numérique propose une palette d’usages qui répondent aux besoins des collectivités.
La fibre va tout d’abord collecter des données sur chaque installation, avant de les exploiter. Grâce à sa large bande passante, elle est capable d’assurer le fonctionnement d’outils complexes comme des capteurs, des systèmes d’automatisation ou des intelligences artificielles. La fibre va ensuite les interconnecter pour créer un réseau intelligent à l’intérieur de la commune. Ainsi, la collectivité obtient à la fois une vision globale et une représentation précise de son IoT (Internet des Objets, qui équivaut aux objets connectés) en temps réel.
De nombreuses collectivités se sont déjà emparées de la fibre optique, principalement pour l’éclairage public et la gestion des bâtiments.
La France recense près de 11 millions de points lumineux, soit près d’un lampadaire pour six habitants. D’après l’Association Française de l’Éclairage, ils représenteraient 1% de la production totale d’électricité pour une facture annuelle de deux milliards d’euros.
Pour les collectivités, cette électricité constitue une part considérable des dépenses. Face à l’augmentation croissante du prix de l’énergie, certaines ont décidé de franchir le pas de l’éclairage intelligent afin de réaliser des économies.
Aussi appelé « smart lighting », l’éclairage intelligent est un dispositif connecté permettant de moduler l’éclairage urbain. Allant du LED connecté au capteur, cette technologie permet de digitaliser la commande et d’échanger des données avec les utilisateurs.
Sur application, les collectivités ont donc la possibilité de piloter à distance les infrastructures lumineuses :
Et ce n’est pas tout ! Le lampadaire connecté est, de fait, un élément du mobilier urbain qui génère des données. A distance, il est donc possible de surveiller la consommation de chaque objet et de suivre les dysfonctionnements ou pannes en temps réel. En plus de réaliser des économies énergétiques et de limiter la pollution lumineuse, ce mode de gestion permet de réduire les coûts de maintenance et d’améliorer la qualité de service.
Grâce à l’accumulation de données, les applications sont capables de réaliser des scénarios prédictifs en fonction des futurs besoins d’éclairage. Collectées via la fibre optique ces informations sont exploitées par intelligence artificielle et peuvent même faire l’objet de changements automatisés, sans validation préalable.
Une fois passées ces explications théoriques, place à la pratique ! En Lorraine, territoire largement couvert par le Très Haut Débit, 400 communes ont déjà opté pour l’extinction totale ou partielle de leur éclairage public la nuit. Selon l’ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes), certaines réalisent jusqu’à 40% d’économies.
Pour répondre à une répartition hétérogène des besoins, il est tout à fait possible de convenir d’un mix de ces solutions : des détecteurs de mouvements pour les zones peu fréquentées le soir, couplés à une automatisation sur les axes principaux, par exemple.
Certains territoires décident d’aller encore plus loin en mettant à profit les autres capacités du numérique. Dans son projet de Smart City, la Métropole de Dijon a ainsi prévu d’équiper 34 000 de ses points lumineux du dispositif Citybox. Une solution d’éclairage public connecté, où viennent se greffer des services supplémentaires comme des bornes wifi, des caméras de vidéoprotection, des capteurs environnementaux pour mesurer la qualité de l’air, etc.
Les lampadaires deviennent ainsi de véritables récepteurs d’informations. En plus d’économiser de l’énergie, le numérique permet aussi de mieux connaître le territoire pour en améliorer le confort et l’attractivité.
En France, la production de chaleur et d’électricité représente un quart des émissions de CO2. Un bel effort de sobriété reste à faire du côté de la gestion énergétique des bâtiments si on espère réduire ce chiffre. Particuliers, entreprises et administrations doivent être vigilants à la consommation de leurs locaux.
Du coté des collectivités, 76 % de la consommation d’énergie provient de ses bâtiments, construits pour la plupart avant 1975. À l’approche de l’hiver, les inquiétudes augmentent. « On est au-delà de la sobriété énergétique […] Les maires sont très inquiets de la crise énergétique à venir qui s’ajoute à l’inflation. » s’exprime Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF et maire de Lampertheim, dans le média La Gazette des Communes.
Si les maires constatent la situation au moment de régler la facture, peu d’entre eux connaissent réellement le détail de leur consommation. A quel point les locaux sont-ils énergivores ? Présentent-ils une anomalie ? Nécessitent-ils une intervention prioritaire ?
Pour répondre à ces interrogations, la mesure des consommations constitue la première étape vers la sobriété. Elle permet de connaître « l’invisible » et de mettre en valeur les points faibles sur lesquels agir.
En ce sens, les solutions s’appuyant sur l’intelligence artificielle et l’IoT (internet des objets) offrent un diagnostic précis des énergies dépensées. « Concrètement, les collectivités installent des instruments connectés sur chaque compteur. Ces infrastructures réalisent des relevés de données fiables et précises, à la maille horaire ou de la minute, de manière automatique, sans perdre de temps et sans risque d’erreur. » explique Jean-Christophe Bourgeois, directeur Innovation et Internet des objets chez Vertuoz (Engie).
Ensuite, les collectivités ont la main sur leur consommation en temps réel. « Cette télérelève permet en outre de faire des économies sans investissement complémentaire. […] (Elle) indique si des équipements, comme l’éclairage, le chauffage, ou la climatisation, restent en marche alors qu’ils ne devraient pas. Sa mesure est donc indispensable aux collectivités pour identifier très simplement des pistes d’économies d’énergie, sans nécessiter des travaux de rénovation et en conservant les mêmes niveaux de confort pour les usagers des bâtiments. »
Les données collectées sur les appareils sont ensuite traitées et restituées sur un tableau de bord. Partagées aux services techniques de la ville, ces informations alertent les techniciens et participent à l’efficacité de la maintenance.
Loin d’être réservées aux grandes agglomérations, les solutions de gestion énergétique connaissent un grand succès dans les petites communes. À Saint-Sulpice-la-Forêt, 1 300 habitants, 60 capteurs ont été installés au sein des bâtiments publics. De l’éclairage au chauffage, en passant par l’eau, la collectivité a réalisé 45 000 euros d’économies en près de 6 ans. « On peut contrôler la consommation d’eau et surtout la consommation d’eau la nuit pour voir s’il y a des fuites. On peut contrôler l’éclairage pour savoir s’il y a de l’éclairage qui reste allumé la nuit aussi, et on a les radiateurs qui sont aujourd’hui pilotés », explique Yann Huaumé, maire du village, à TF1.
Du coté des agents municipaux, ces outils semblent avoir fait leurs preuves en matière d’efficacité. « Le matin, quand j’arrive, la première chose que je fais, c’est de cliquer sur ce petit symbole et de vérifier les différentes alertes qui sont mises en place ou pas. On s’est aperçu qu’il y avait eu une surconsommation d’eau au niveau de l’école publique de 40 mètres cubes, ce qui nous a permis d’être réactifs le plus vite possible grâce à cette plateforme. Dès le jour même, on est partis sur l’intervention » explique Bruno Gabillard, responsable des services techniques de la commune.
La sobriété énergétique ne sonne plus comme un choix politique, mais bien comme une nécessité. À l’heure où le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter et où le constat climatique s’aggrave, les collectivités engagent le pas de la sobriété. Pour ce faire, elles s’appuient sur le déploiement de la fibre optique et sur les nouvelles technologies. Les lampadaires sont désormais automatisés et équipés de capteurs afin d’ajuster la luminosité en fonction des besoins. 14 000 communes sur 35 756 ont déjà décidé de couper leur éclairage public. Du coté des bâtiments, la télérelève informe sur la consommation en temps réel. Via ces données, les communes peuvent ensuite procéder à des réglages pour réduire les coûts et les frais de maintenance.
Tant pour les villes que pour les petits villages, le numérique est une opportunité à saisir pour tendre vers la sobriété énergétique. Un investissement économique et durable au service d’une meilleure gestion et de la qualité de vie des administrés.
Charlotte B.